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L'industrie du troisième millénaire

  in Nouvel Objectif Rhône-Alpes - octobre-novembre 2005 - N°16

« "La Demeure du chaos m'a permis de développer Artprice. Car elle m'a ouvert l'esprit." »

 

Revue de presse
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REVUE DE PRESSE

EVENEMENT

Après un parcours boursier difficile depuis son introduction en 2000, Artprice, leader mondial de l'information sur l'art, cartonne depuis le début de l'année. Avec une augmentation de 450 % de son cours. Soit la plus belle hausse de tout le marché boursier. Interview de Thierry Ehrmann, le Pdg d'Artprice.

Comment vous expliquez l'explosion de votre cours de Bourse ?
Thierry Ehrmann, président du groupe Serveur : En fait, tout a commencé le 19 janvier 2005 quand j'ai annoncé la création d'un système de petites annonces normalisées sur mon site, Artprice.com, spécialisé dans la cotation de l'art. Car les investisseurs ont tout de suite compris qu'il s'agissait d'une véritable révolution sur ce marché.

Ce qui était vraiment révolutionnaire ?
Pour comprendre, il faut revenir sur le rôle d'Artprice sur le marché de l'art. En fait, quand j'ai créé cette entreprise internet en 1987, les ventes d'art se faisaient uniquement par l'intermédiaire des grands marchands et des galeries. C'était donc un marché d'initiés avec seulement 500 000 clients dans le monde. Mais c'était aussi un marché opaque.

Pourquoi un marché opaque ?
Parce que les vendeurs entretenaient le flou sur les œuvres. Ce n'était pas de l'escroquerie. Juste une façon d'embrouiller un peu le client pour réaliser des marges plus importantes. Exemple : on vendait un tableau "au tirage limité", mais sans connaître le nombre exact d'exemplaires ou une statue "légèrement modifiée au XVIIIe siècle", sans avoir de détails sur ces modifications. Bref, le client ne savait pas vraiment ce qu'il achetait, ni sa valeur. Ce qui n'est plus le cas avec Artprice.

Ce qu'Artprice propose ?
Une transparence totale de l'information. Au départ, on a investi près de 30 millions d'euros pour racheter de nombreuses sociétés et les publications sur l'art du XVIe au XIXe siècle, soit 270 000 manuscrits. Notre objectif: mettre en place une cote fiable de l'art sur internet. Avec des critères reconnus et scientifiques : L'œuvre a-t-elle été exposée? Dans quelles galeries? Qui ont été les différents propriétaires ? Dans quel contexte? Cette œuvre a-t-elle fait l'objet de commentaires ? Dans quelles publications? Le cadre a-t-il été restauré? Où?... Même chose pour les artistes. On connaît leur bio-
"On a classé 21 millions d'œuvres de 306 000 artistes"
graphie, leurs expos, leurs mécènes, leurs œuvres, leurs prix... On a classé comme ça 21 millions d'œuvres de 306 000 artistes avec un code précis. Des banques de données enrichies au quotidien par les 2 900 maisons de vente du monde.

Conséquences de ce référencement?
En normalisant le marché, on lui a permis d'exploser. Car n'importe quel abonné d'Artprice a accès à des infos que seuls quatre ou cinq spécialistes maîtrisaient dans le monde avant. Il ne peut donc plus se faire avoir, pour une somme modique : 4 à 40 euros par mois... De plus, avec internet, au lieu d'avoir 500 000 clients, le marché a été élargi à plus de 50 millions de personnes ! Une révolution qui n'a évidemment pas plu à tout le monde.

Vous avez rencontré des oppositions !
Bien sûr. Ça a même été une véritable boucherie pendant neuf ans. On s'est battus avec les marchands d'art, les galeries, qui refusaient cette transparence. A coups de procès. Et on continue d'ailleurs à se battre. Mais je pense qu'on a gagné notre pari en mettant en place notre système de petites annonces.

En quoi consistent ces petites annonces normalisées ?
On propose à nos abonnés de diffuser des petites annonces pour vendre les œuvres qu'ils détiennent. Des œuvres qui sont forcément référencées chez nous. Du coup, il y a une sécurité absolue. De plus, le vendeur touche près de 900 000 clients potentiels d'un coup, c'est-à-dire nos abonnés. Et pour les galeries, c'est encore mieux: on leur propose de mettre leur stock en ligne. Soit des milliers de tableaux qui n'auraient jamais trouvé preneur auprès de leurs clients traditionnels, qui sont souvent limités à une centaine...

Et ce système a marché?
Plus que ça. Alors qu'on s'attendait à enregistrer 2 000 à 3 000 petites annonces, on en est déjà à plus de 35 000. Et on pense atteindre rapidement les 72 000 par an. Ce qui est exceptionnel. D'autant plus qu'on voit passer des Van Gogh, des Picasso, des Dali... Des œuvres majeures. Résultat : le volume des ventes a atteint plus de 500 millions d'euros en quelques mois. Et on pense atteindre les 1 milliard d'ici la fin de l'année. Du coup, Artprice réalisera bientôt 45 % des ventes de Fine Art dans le monde. (en prenant pour référence le chiffre d'affaires 2004 des 2 900 maisons de vente). Et c'est ce qui a fait exploser notre cours de Bourse. Il a augmenté de 450 % en quelques mois ! Et c'est l'un des plus beaux parcours boursier de l'année 2005.

Mais il faut dire que votre cours partait de très bas !
C'est vrai que notre cours était en dessous de 3 euros en janvier. Alors qu'Artprice avait été introduit à 19 euros en 2000. Mais on a subi une dégringolade importante pendant trois ans à cause de problèmes techniques. En fait, 90 % des clients n'arrivaient pas à surfer correctement sur notre site à cause de notre hébergeur qui ne faisait pas son travail. Ce qui a freiné le développement d'Artprice. Et puis, on a aussi subi le krach des valeurs technologiques. Même si, en Europe, on reste une des rares valeurs internet à avoir survécu à cette tempête.

Mais vous êtes encore largement en dessous de votre prix d'introduction !
Oui, mais on devrait peut-être atteindre les 19 euros en fin d'année, je l'espère. Ou au pire début 2006. On pense même remonter à 50 euros fin 2006. Ce qui permettra à nos actionnaires de réaliser de beaux profits.

Mais Artprice ne réalise que 2,4 millions d'euros de chiffre d'affaires !
Oui, mais on a enregistré une augmentation de 63 % de notre chiffre d'affaires au deuxième trimestre 2005. Et on pense cartonner en 2006. De plus, ce chiffre d'affaires n'est pas représentatif de la valeur réelle de l'entreprise... Comme notre valeur boursière d'ailleurs qui s'élève à 60 millions d'euros.

A combien vous évaluez réellement votre entreprise?
Près de 3 milliards d'euros... Car sur le marché de l'art, la seule chose qui compte, c'est le fichier clients. Toutes les grandes maisons de vente comme Sotheby's ou Christie's, qui sont cotées en Bourse, se valorisent comme ça. En fait, un client vaut entre 1 500 et 5 000 euros en fonction des infos dont on dispose sur lui. Moi, j'ai 900 000 abonnés dans 220 pays dont je connais tout : les préférences, les derniers achats et mêmes les clics. En clair, si je veux vendre une compression de César de 1973, je peux identifier tous les clients potentiels et les contacter par email dans la minute... Ce qui n'a pas de prix.

Vos perspectives ?
On estime qu'à ce rythme on pourrait représenter 70 % du marché de l'art fin 2006. Avec près de 8 000 petites annonces enregistrées par jour.

Et ça ne vous tente pas de vendre Artprice?
Non, parce que je ne suis pas arrivé au bout de mon aventure. J'ai encore des projets de développement pour cette entreprise. Ce qui me passionne. Exemple : je lance, en ce moment, une télévision pour diffuser les petites annonces des ventes. Une chaîne presque entièrement financée par les annonceurs, qui devrait être diffusée aux Etats-Unis, en Angleterre... Ce qui a encore fait bondir le titre de 22 %.

Et la médiatisation de votre Demeure du Chaos a joué un rôle dans la hausse de votre cours?
Je ne sais pas. Je pense que ça a certainement crédibilisé mon statut d'artiste dans le monde de l'art. Car cette maison du Chaos est une œuvre à part entière. Du coup, mes clients me font confiance. Beaucoup sont même des actionnaires d'Artprice. Mais je pense surtout que cette Demeure du Chaos m'a permis de développer Artprice. Car elle m'a ouvert l'esprit. Elle m'a motivé. Et c'est ce qui m'a permis d'avoir l'idée des petites annonces ou encore de la télé.

Propos recueillis par Maud Guillot

copyright ©2005 Nouvel Objectif Rhône-Alpes

 

Un Chaos à 2 millions d'euros
Météorites, murs peints en noir avec des traces de sang, avion écrasé dans la cour, décombres, ferrailles guerrières, phrases étranges écrites sur les murs, coulées de béton... Le siège social d'Artprice à Saint-Romain-au-Mont-d'Or, à côté de Lyon, a de quoi surprendre. En effet, le très provocateur Thierry Ehrmann a entrepris depuis deux ans de "déconstruire" entièrement son domaine, une maison du XVIe siècle qui s'étend sur 7000 m2 dans un parc d'un hectare, pour en faire "la Demeure du Chaos". Une démarche artistique inspirée des attentats du 11 septembre qui ont profondément marqué ce patron. Depuis, avec une petite équipe d'artistes dont le fameux Ben, il a ouvert un véritable chantier pour tout casser et reconstruire. Avec des grues, des bulldozers...
Un hommage au chaos qui attire de plus en plus de visiteurs, amateurs mais aussi experts. Et qui lui a coûté près de 2 millions d'euros. Simple provocation ? Thierry Ehrmann parle d'œuvre artistique majeure mais aussi de véritable système de manage- ment: Car pour lui, en période de crise, seule une certaine démarche largement inspirée de cette philosophie du chaos permet d'avancer et d'inventer de nouvelles solutions. En remettant en cause tous les fondamentaux, pour construire sans tabou l'avenir sur de nouvelles bases. De quoi défier toutes les théories économiques traditionnelles.

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